Un peu frustrée par la rapidité de l’émission à laquelle j’ai participé sur France Bleue Lorraine le mois dernier pour parler du sel notamment dans les plats cuisinés, j’ai eu envie de vous livrer quelques précisions sur ce sujet.
Ben oui, parce qu’on parle sans cesse du sel et les titres accrocheurs auraient tendance à être légèrement anxiogènes :
A la télé on entend :
- « limiter votre consommation de sel pour votre santé »,
- « éviter de manger salé, … »
A la une des magazines on lit « le sel caché dans les aliments »(1),
Sur internet, on voit « Enquête de santé : Sel, alerte dans nos assiettes » (2),
Sur les emballages, on nous vante les mérites d’un produit « à teneur en sel réduite »,
Ou encore votre grand oncle qui rentre de chez son cardiologue et vous annonce avec effroi que « le sel c’est fini pour lui » !
3 petites lettres qui font peur…
Mais en fait c’est quoi le sel ?
Et pourquoi ce sel a l’air d’être présent partout ?
Et en quoi est-il mauvais pour notre santé alors qu’il est utilisé depuis fort longtemps ? Est-ce vraiment le sel ou ce qu’il contient qui pose problème ?
Et s’il est aussi mauvais que les titres des journaux sont alarmants, pourquoi ne le supprime-t-on pas ?
Bon nombre de questions qui méritent de s’y pencher.
Le sel, c’est le nom usuel donné à cet aliment naturel composé en quasi totalité de chlorure de sodium (oui on est d’accord sel, c’est bien plus simple à retenir !). Il contient également en quantité très faible d’autres minéraux. Pour obtenir l’appellation « sel », celui-ci doit contenir au minimum 97 % de chlorure de sodium. Il est parfois enrichi en iode ou en fluor. Son origine est toujours la même : la mer.
Soit directement issu des marais salants, par évaporation de l’eau de mer, soit issu de gisements et présent dans le sol (donc mer fossile). Il est alors qualifié de sel "gemme".
Chlorure de sodium … chlorure… sodium …
En effet quand on parle de sel et de ses incidences sur la santé, c’est à tort. On devrait plutôt parler des effets du sodium qu’il contient sur la santé. Le sodium est un des minéraux indispensables au bon fonctionnement du corps : maintien de l’hydratation corporelle, mais aussi transmission nerveuse, et contraction musculaire.
Nos besoins corporels en sodium pour assurer ce bon fonctionnement seraient en moyenne de 400 à 800 mg quotidiens (3). On sait que dans 1 g de sel de table, il y a 400 mg de sodium. Les recommandations de l’OMS sont de 5 g par de sel par jour. Sauf qu’aujourd’hui le constat est le suivant (4) : la consommation moyenne de sel en France est de 10 à 12g par jour… Ah oui, ça fait entre 2 et 2,5 fois plus.
Et si on en consomme autant aujourd’hui, c’est que le sel est utile. Il est utilisé depuis longtemps pour ses vertus conservatrices : en conserve, saumurage et salaisons (notamment pour ses propriétés déshydratantes donc limitant la prolifération des bactéries). Mais on utilise aussi le sel parce qu’il augmente la sapidité des aliments et préparations culinaires. C’est un exhausteur de goût. Et l’industrie agroalimentaire l’a d’ailleurs bien compris et l’a utilisé plus que nécessaire pendant de nombreuses années. Sauf qu’avec les constats de consommation élevée de sel et l’augmentation des maladies cardiovasculaires dont l’hypertension artérielle (5), les industriels sommés par le ministère de la santé ont fait des efforts considérables sur les quantités de sel ajouté aux préparations (je vous invite d’ailleurs à aller lire la première partie de notre article « on a gouté pour vous les plats cuisinés » .
Parce que le lien a été clairement établi entre réduction du sel consommé et réduction des évènements cardiovasculaires.
Mais réduction ne veut pas dire suppression. De toutes façons c’est mission impossible et surtout pas souhaitable pour les rôles joués par le sodium corporel cités précédemment. Et même sans en ajouter avec la salière, le sodium est présent à l’état naturel dans bon nombre d’aliments (légumes, fruits, viande, poisson, œuf, lait, laitages, céréales, légumes secs, matières grasses) qui en apportent près de 800 mg par jour (l’équivalent de 2 g de sel). Sans compter la consommation d’aliments courants dont la fabrication et la conservation nécessitent l’usage de sel comme le pain, les biscottes, le fromage, les charcuteries, certains condiments, les eaux gazeuses et bien d’autres encore qui vont apporter 4 g de sel quotidien. On est déjà à 6 g de sel, sans avoir ajouté volontairement le moindre grain dans notre assiette pour le goût…
Mais l’inverse est-il vrai ? Si je n’ai pas d’hypertension artérielle, ni de maladies cardiovasculaires, dois-je aussi réduire ma consommation de sel ? A l’heure actuelle les scientifiques s'opposent (6) : certains estiment que les données permettent d’agir en faveur d’une réduction généralisée du sel ; pour d’autres sauf en cas d’insuffisance cardiaque ou d’hypertension sévère, il n’est pas souhaitable de réduire de façon généralisée la consommation de sel. Cette dernière position est justifiée par une étude qui montre que seul chez les hypertendus sévères, la réduction de la consommation de sel limite la survenue d’accidents cardiovasculaires… et qu’une réduction généralisée pourrait avoir des effets délétères à terme sur certaines populations (ceux qui naturellement mangent peu salé, les hypotendus, les personnes âgées qui s’exposeraient davantage à la dénutrition par un alimentation faiblement sodée et anorexigène,…)
De quoi nous laisser perplexe toutes ces divergences…
Et si une fois de plus, nous options pour la règle du bon sens et non pour la diabolisation ? Parce que vous l’aurez compris, ce n’est pas le sel, ou plus exactement le sodium qui est mauvais pour la santé, mais ce sont les excès. Et qui dit pas de sel ajouté, dit moins de goût. Si on essayait simplement de goûter avant de saler, de cuisiner avec des épices et des aromates (aux nombreuses vertus au demeurant), d’utiliser d’autres agents de saveur comme le vinaigre de Xeres ou de cidre et le citron, de choisir des eaux faibles en sodium (Salvetat®, Perrier®, Cristalline® pétillante).
Et ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit ! Si votre médecin vous prescrit un régime contrôlé ou réduit en sel alors consultez un diététicien qui vous aidera à suivre au mieux la prescription pour votre santé et la sapidité de vos plats !
1 Que choisir, janvier 2017
2 allodocteurs, janvier 2017 http://mobile.allodocteurs.fr/alimentation/aliments/sel/sel-alerte-dans-nos-assiettes-mardi-a-20h45-sur-france-5_20918.html
3 A. Martin et al. Apports nutritionnels conseillés pour la population française. Ed Lavoisier, Tec & Doc. 2001
4 Étude Individuelle Nationale des Consommations Alimentaires 2 (INCA 2) 2006- 2007. Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments, 2009
5 INTERSALT Cooperative Research Group. INTERSALT: an international study of electrolyte excretion and blood pressure. Results for 24 h sodium and potassium excretion. BMJ 1988;297:319-28)
6 http://lecardiologue.com/wp-content/uploads/2016/11/FMC396.pdf:
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